Le « Prêt Garantie par l’Etat », ou PGE, accordé aux entreprises pendant le confinement du printemps a été massivement souscrit par les entreprises : cinq cent mille d’entre-elles l’ont souscrit pour un montant total qui dépasse les cent milliards d’euros (100 Mds€)

Il faut dire que l’offre était alléchante. Sur la base du bilan comptable 2019, les banques pouvaient accorder à leurs entreprises clientes un prêt garanti par l’Etat – via la BPI – à hauteur de 25% du chiffre d’affaires réalisé (ou une fraction de la masse salariale).

  • Zéro risque pour les banques.
  • Zéro conditions pour les dirigeants.
  • Zéro contraintes pour monter le dossier.
  • Zéro délai d’attente pour instruire le dossier et obtenir les fonds.

Cette réactivité et cette souplesse répondaient parfaitement au besoin d’urgence et de réactivité liés à ce « black-out » d’activité totalement inattendu. Le PGE a été un succès.

Reste un sujet, que Germain Simonneau pointe pertinemment du doigt sur www.forumeco.fr: le risque d’un coût très élevé pour l’Etat si des entreprises font défaut.

Certes il y a eu quelques dossiers à hauts risques qui ne sont pas passés (tels ceux de la compagnie aérienne CORSAIR INTERNATIONALE ou du fournisseur des salles de cinéma YMAGIS) ou qui sont passés dans la douleur (tels les PGE du loueur de flotte UCAR ou des textiles DAMART).

 

Problème de trésorerie, financement haut de bilan

Une des critiques faite au dispositif, est qu’un problème de trésorerie (bas de bilan) est financé par du crédit long terme (haut de bilan).  C’est ce que souligne Mounis Hassim dans La Tribune le 1er juillet dernier. 

Notons en passant que c’est ce que fait l’Etat depuis quarante ans : générer une dette long terme, indéfiniment repoussée, pour financer les opérations courantes, en particulier la santé et les retraites. 

Cette critique est avant tout une réponse orthodoxe, académique. En pratique, quand l’urgence est là, on constate à nouveau que l’Etat est capable d’inventer des solutions qui mettent à bas les théories économiques. Cela n’est pas sans rappeler les décisions de la Banque Centrale Européenne et son patron Mario Draghi au plus fort de la crise de l’euro en 2012. 

En ce mois de mars 2020, l’Etat a interdit aux entreprises de travailler, pour des raisons sanitaires supérieures.  Imposant en cela une contrainte exceptionnelle, il n’est pas anormal que sa réponse soit elle aussi exceptionnelle. 

Si le problème de trésorerie immédiat des entreprises était venu d’une mauvaise stratégie de vente ou une mauvaise stratégie générale d’entreprise, dans ce cas-là, oui, le PGE eut été une hérésie. C’est ce qui a décimé certaines entreprises déjà fragilisées, telle La Halle.  Néanmoins, dans pour la majorité des entreprises aujourd’hui à court de trésorerie, ce n’est pas le cas. 

L’Etat a donc été dans son rôle en inventant une solution hors nome à une situation hors nome. « A vin nouveau, outres neuves » disait déjà les évangiles il y a deux mille ans ; rien n’a changé depuis.

 

L’Etat banquier : prêter, recouvrer, risquer

Reste, pour Bercy, que prêter de l’argent est une chose (surtout quand ce n’est qu’une ligne bancaire et que cela ne nécessite pas d’amputer d’autres projets ou d’autres budgets). Le récupérer en sera une autre.

En effet, l’Etat n’est aujourd’hui absolument pas en mesure d’estimer la part de ces 1000 Mdr€ qui a été souscrit par pure précaution, ou opportunisme, de la part du montant souscrit pour éviter une réelle faillite ou banqueroute. Dans cette seconde catégorie d’entreprises, il est fort à parier que certaines se relèveront, mais que d’autres disparaîtront. Le remboursement de ce PGE sera alors évidemment impossible, sauf à ce que l’Etat décrète que cette dette est prioritaire sur toutes les autres (salaires, clients, fournisseurs, actionnaires), un peu à l’image des cotisations URSSAF. Ce serait un fort mauvais signal envoyé aux entreprises. Il est peu probable. 

Le gouvernement a sans doute estimé que cela valait le coup d’arroser largement pour sauver certaines entreprises – et les emplois, revenus et taxes afférents – quitte à s’asseoir sur certaines créances irrécupérables en fin d’exercice. 

Espérons, pour les finances publiques, que la proportion de créances irrecouvrables sera epsilonesque. Rendez-vous dans cinq ans pour tirer le bilan et chiffrer le coût réel de cette opération.