L’épisode sanitaire du COVID19 est encore tout frais dans nos mémoires – et peut-être pas aussi fini que chacun se plaît à espérer – que déjà il est question partout de l’après-COVID. En particulier en matières immobilières.
L’expérience du confinement en appartement urbain couplée à l’expérience du télétravail à la maison, ou « home office », en bon français, aurait pour conséquence – nous dit-on – une poussée centripète des citadins vers les pavillons calmes aux jardins verdoyants des banlieues lointaines et des villes accueillantes de province.
Cela procède d’une pensée magique. Mais assurément bien éloignée de la réalité.
Une pensée magique
D’une part, ces urbains en appartements exigus ne sont pas aussi nombreux que cela. Ils sont localisés à Paris, dans quelques villes alentours (la « petite couronne ») et dans quelques quartiers hyper-centraux de grosses agglomérations. C’est un marché, certes, mais pas suffisamment volumineux pour créer une tendance immobilière.
Beaucoup de petits appartements de centre -vile sont par ailleurs habités par des étudiants locataires. Ils sont là « de passage », le temps de leurs études le plus souvent, où pendant les premières années de leur vie professionnelles quand leur rythme de vie est plus proche du rythme étudiant que celui de jeunes parents.
Ceux-là peuvent rêver de logements avec jardins ou piscines, ils ne sont pas un marché pour les transactions immobilières. En revanche, ils génèrent une demande toujours forte et pérenne pour de petits logements de centre-ville. En, ce sens, ils créent une tendance de marché immobilier qui poussent les prix des centres villes à la hausse. C’est la loi bête et méchante de l’offre et de la demande.
Restent ceux qui pourraient vendre leur appartement de centre-ville pour s’installer dans des appartements plus spacieux mais plus éloignés, voire des pavillons, avec jardin de préférence. Ceux-là peuvent effectivement rêver de partir et pourraient le faire. Au conditionnel.
La réalité quotidienne risque de mettre à mal ce rêve pour nombre d’entre eux.
Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.
Tout d’abord il faut se souvenir qu’ils se sont souvent installés en centre-ville pour des raisons qui demeurent : raisons professionnelles, raisons logistiques (réseau de transports publics), raisons sociétales (recherche d’un style de vie urbain : restaurants, bars, boutiques et lieux de vie ouverts tard).
Par ailleurs, déménager coûte cher, prend du temps, consomme beaucoup d’énergie, particulièrement quand on a des enfants (scolarité, activités extra-scolaires, etc) et exige d’accepter une période peu confortable, voire aléatoire, durant laquelle celui qui déménage va détruire une partie de ses habitudes et réseaux pour en construire d’autres : nouveaux voisins, nouvelles habitudes, nouvel environnement, nouveaux lieux de consommation. Cela a un coût. Il est non chiffré, mais il existe néanmoins et peu paraître élevé au regard du bénéfice attendu.
Bureau, sweet bureau
Le choix d’un lieu de vie est souvent lié à l’activité professionnelle. Laquelle n’a pas changé pendant le confinement, même si des habitudes de télétravail ont été prises. Certaines entreprises annoncent que cette façon de travailler va devenir une règle générale, tel le groupe PSA. D’autres, nombreuses, sont plus modérées dans leurs propos et envisagent juste de développer graduellement, pour certains postes et dans certaines circonstances encadrées, le travail à domicile. Ce n’est pas pour autant dès demain que la majorité des entreprises et des administrations généraliseront le « home office ». Ce besoin d’aller rejoindre physiquement l’entreprise une ou plusieurs fois par semaine créé quand même un frein XXL au déménagement en province ou même pour le vert Vexin ou les plaines céréalières à l’Est de Meaux.
Métro-boulot-dodo
Dans un couple contemporain, l’homme et la femme travaille, dans l’immense majorité des cas (et même si parfois la naissances d’enfants crée des variations provisoires, mais ce n’est pas le sujet.) L’immense avantage d’habiter le centre de Paris (ou d’une agglomération), c’est que l’on peut changer d’entreprise sans déménager. Vous rayonner dans Paris et sa couronne au gré de votre carrière, vous faisant recruter tantôt sur les grands boulevards, tantôt à La Défense, tantôt à La Plaine Saint-Denis. Seul demeure le logement, qui ne change plus au gré des emplois mais de la vie privée : mise ne ménage, séparation, naissances, etc.
Déménager hors du barycentre professionnel peut avoir une conséquence fâcheuse : lâcher son job. Tout le monde n’en rêve pas, loin s’en faut, en en ces temps de COVID, mieux vaut tenir que courir.
« Et si l’on déménage, chéri(e), qui va lâcher son emploi et essaiera d’en trouver un autre après le déménagement ? C’est toi mamour ? » Voilà un sujet de fâcherie s’ils en aient. S’installer au vert peut être synonyme de lourds sacrifices professionnels. Certains le feront, d’autres, surement nombreux, ne l’accepteront pas. Et s’envolent les rêves de pavillon, le jardin, la piscine privée et les grands espaces… Choisir c’est renoncer.
Si vous passez par la case »Départ », recevez… rien du tout.
Enfin, si d’aventure quel couple urbain se décide à franchir réellement le pas et quitter le centre de Paris pour Rambouillet, Saumur ou Saint-Gilles Croix de Vie, son banquier se fera une joie de le ramener à des considérations très terre à terre. Certes, le pouvoir d’achat d’un bobo qui vend son T2 parisien lui permet de gagner de nombreux mètres carrés à chaque kilomètre qui l’éloigne de la Capitale, et ce n’est pas négligeable.
La banque saura néanmoins vérifier de (très) près les futures ressources économiques du ménage dans sa nouvelle vie. Si le désir de campagne impose l’abandon d’un des revenus du ménage, il est fort à parier que le ratio d’endettement explose et ne permette pas au banquier d’accompagner ce couple dans son projet bucolique.
Ecologie intégrale
Quitter un appartement exigu pour le charme d’une maison avec terrain, se réveiller au bruit des oiseaux, du vent dans les futaies ou des troupeaux est néanmoins tout à fait accessible. Simplement, ce n’est pas l’épisode récent du COVID19 qui va tout bouleverser.
Le vrai désir de partir réside plus dans une volonté réelle d’un retour à une vie plus saine, au rythme plus apaisé, où l’on retrouve du temps pour l’essentiel : avoir du temps pour soi, sa famille, ses enfants, préparer ses repas soi-même, etc. Bref, sortir d’une société frénétique d’hyper-consommation et retrouver le sens d’une écologie intégrale, aussi éloignée de l’écologie politique que des centres urbains. Ça c’est une bonne et vraie raison. C’est une tendance de fond, sourde et saine.