L’année 2020 n’est pas finie mais elle a été riche en événements marquants. L’un d’eux s’appelle #BLM, Black Lives Matters. Vu de France, ce mouvement a surgit d’un énième fait divers tragique aux Etats-Unis : le décès d’un homme de couleur noire, le 25 mai 2020, décédé lors d’une intervention de police musclée à Minneapolis (Minnesota). Pour les autorités américaines, c’est un décès lié à une consommation de drogue (conclusion officielle), pour d’autres, un assassinat. 

Le film de son arrestation et de sa mort, en direct, a fait le tour du monde, soulevant une légitime émotion. Voie un homme décéder ainsi est d’une violence tragique.

De cette émotion a surgit le mouvement Black Lives Matters et le hashtag #BLM. Le mouvement existait avant, mais n’avait guère eu d’écho en France. Même aux Etats-Unis, il y a eu pour ce mouvement Black Lives Matters un avant et un après George Floyd.

Dans les semaines qui ont suivi, on a assister à de très nombreuses manifestations dans les grandes villes américaines, suivis de très nombreuses émeutes et scènes de violence, pillages et incendies. La police, mise en cause dans cette événement, devient la cible de nombreuses revendications et les personnes de couleur blanche sont sommées – quand elles ne s’y emploient pas volontairement – de se mettre à genou, au sens propre, devant les noirs.

Le combats BLM devient aussi un combat contre le racisme des Blancs, liés à leur « privilège blanc », mais aussi contre la police, contre les représentants de l’Etat, et en faveur des minorités LGBT. Les Américains découvrent l’existence d’antifa sur leur sol (là où les Français avaient déjà l’habitude depuis une vingtaine d’années.)

Le combat devient surréaliste quand des élus en viennent à demander eux-mêmes la suppression de la Police ou la réduction drastique de ses moyens de travail.

Comment en est-on arrivé là ? 

Genèse d’un mouvement

D’une inquiétude générale (la violence et les homicides sont sur-représentés parmi les populations noires américaines, toutes causes confondues), on est passé, via quelques faits divers policiers tragiques à une accusation de violence raciste par une société policière et dominée par les blancs.

Entre le point de départ et le point d’arrivée, la critique factuelle, chiffrée, des faits a disparue.

Les statistiques américaines montrent en effet une sur-représentation des populations noires parmi les faits de délinquance, d’une part, et que l’immense majorité des homicides de personnes noires sont le fait de personnes noires, d’autre part. 

Mais une émotion ne se gère pas avec des chiffres, aussi factuels soient-ils, et le mouvement BLM a pris une ampleur et un écho que personne n’avait anticipé.

 

Minorités raciales

Les Etats-Unis autorisent les statistiques raciales et chacun peut revendiquer sa race. Ces races sont une réalité aux frontières mouvantes et il est parfois difficile de déclarer à propos d’une personne de quelle race elle est. Ainsi, la « race » de la colistière de Joe Biden, Kalama Harris, fait-elle débat outre atlantique. Qu’on en juge : à quelle race appartient une personne dont la mère est née d’une famille indienne installée aux Etats-Unis et le père est jamaïcain ? Les Jamaïcains eux-mêmes étant le plus souvent eux-mêmes métisses, fruits de l’histoire de ce pays. 

Est-elle vraiment noire comme l’affirment avec force la plupart des médias américains ? (Une théorie américaine nommée « One drop rule » veut qu’une seule goutte de sang noire fasse de vous un individu de race noire. Il est probable qu’il y aient dans le monde beaucoup de noirs qui s’ignorent totalement…) Elle-même se garde bien de se prononcer clairement sur le sujet. 

On le voit, rien n’est plus difficile que de mettre les hommes dans des cases « race », c’est d’ailleurs là un des meilleurs arguments pour lutter contre le racisme.

Aux Etats-Unis, si la ségrégation raciale n’existe plus, les notions de races ont toujours cours. Ainsi on trouve des quotas de gens de « couleur » pour les admissions dans les universités. Les minorités ont des droits spécifiques (les femmes, les vétérans, les handicapés, etc.) que l’on appelle outre-atlantique la « discrimination positive ».

Il est vrai que la fin de l’apartheid américain est récente : le pasteur Martin Luther King et le mouvement des droits civiques (pour les noirs) ne date que des années 60. Soit tout juste deux générations.

Par un retournement incroyable – on serait tenté d’écrire comique si le sujet n’était pas aussi sérieux – la ségrégation raciale revient aux Etats-Unis à la demande des militants BLM. Telle université américaine a accepté à la demande des militants BLM de séparer les blancs des noirs. Ce qui était scandaleux et honteux en 1960 redevient acceptable. Il serait intéressant de suivre dans le temps l’évolution de cette ségrégation raciale version XXIe siècle. Il n’est pas évident que l’expérience tourne à l’avantage de ces militants pro-noirs.

 

Perte de la Foi chrétienne

Il est peu fait mention de religion dans ce mouvement BLM alors que cet aspect est peut-être central. 

En effet, si Martin Luther King a pu initier un mouvement d’égalité des droits sociaux, il le doit beaucoup au militantisme des chrétiens américains (noirs ou blancs) pour lesquels cette ségrégation raciale historique et culturelle américaine était en opposition frontale avec les valeurs chrétiennes. 

Citons simplement la lettre aux Galate de Saint-Paul dans la Bible pour résumer la situation : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. » 

La société américaine, très chrétienne au quotidien des années 60, a pu supprimer la ségrégation héritée du commerce négrier et du développement économique des XVIIIe et XIXe siècles.

Soixante ans plus tard, les USA ne sont plus une société chrétienne, mais en plus être chrétien fait facilement passer pour un dangereux conservateur, à rebours du progrès social. Il n’est qu’à voir le combat autour de l’avortement entre pro-life et pro-ivg pour comprendre qu’il est de bon ton d’être favorable à l’avortement et que s’y opposer fait de vous un ennemi du progrès et de l’émancipation féminine.

Le mouvement BLM peut prendre racine et croitre aux Etats-Unis parce que ce n’est plus une société chrétienne. Si les hommes (et les femmes, les blancs et les noirs, etc..) ne sont plus frères dans le Christ, alors il est tout à fait pertinent d’opposer tel groupe à tel autre. A la façon dont le marxisme, lui aussi affranchi de la Foi chrétienne entendait (entend ?) opposer les hommes selon leur statut social (l’immense majorité des exploités, les prolétaires, devant se libérer les armes à la main du joug des riches exploitants (Noblesse, clergé, riches)

 

Le mouvement BLM n’est finalement qu’un nouvel avatar de l’individualisme de nos sociétés occidentales : ce qui prime avant tout, c’est moi. Et tout est bon pour obtenir de la société des privilèges que les autres n’auront pas. Je jalouse la réussite d’autrui mais préfère me poser en victime plutôt que de me retrousser les manches. Rien de nouveau sous le soleil.

 

Les exemples sont légions désormais de militants BLM qui s’autorisent des comportements indignes, voire tout à fait inégalitaires (pour ne pas dire méprisants) au seul prétexte que leur combat est juste et consiste à soutenir des personnes opprimées. Être officiellement opprimé autorise donc à opprimer. C’est l’essence même des dictatures.

 

La fin du « Rêve américain »

Ce que signifie ce mouvement, c’est la fin du « Rêve américain » selon lequel, comme le définition Wikipedia, « n’importe quelle personne vivant aux États-Unis, par son travail, son courage et sa détermination, peut devenir prospère. »

Certains “happy few” ont réussi par leur travail, leur talents, à devenir riches, très riches. Pensons, pour n’en citer que trois, à Tina Turner, Tiger Wood ou Will Smith.  Mais ils sont effectivement l’arbre qui cache la forêt. L’immense majorité des pauvres d’Amérique ont eu des parents pauvres et auront des enfants pauvres. Peut-être que ce que les Français appellent l’ « Ascenseur social » ne fonctionne pas, ou plus, voire n’existe pas. Et il peut arriver un moment où une personne dans la pauvreté a envie de sortir personnellement de cette situation, et plus par procuration au travers des succès immenses d’un Michael Jackson ou d’un Michael Jordan.

Cette faillite du Rêve Américain touche néanmoins tous les Américains et la solution doit être trouvée par tous les Américains. Qu’ils soient afro-américains, descendants de chinois ou  des pères fondateurs du MayFlower. Et ça, les BLM ne veulent pas le voir, obnubilés par leur racisme intrinsèque.

 

Les laissés-pour-compte des BLM

Une des faiblesses du mouvement BLM est d’être soutenu principalement par des populations blanches, de préférences urbaines, universitaires ou éduquées et non chrétiennes. De très nombreux américains ne se retrouvent pas du tout dans ces revendications. 

Commençons par les hispano, extrêmement nombreux dans le Sud et l’Ouest américain. Le mouvement BLM les ignorent à peu près totalement alors que cette population souffre des mêmes problèmes de pauvreté, de délinquance que les noirs et peut légitimement se penser comme étant des citoyens de secondes zones dans un pays où les dominants et dirigeants sont principalement blancs.

Les chrétiens, encore fort nombreux aux Etats-Unis, sont aussi bien blancs que noirs ou qu’hispano. Et peu se retrouvent dans les revendications des Black Lives Matters. Ceux qui comptent pour eux, c’est la justice, l’éducation, la sortie de la misère. Sans tenir compte à aucun moment de la couleur de peau. Leur combat pour plus de justice sociale risque probablement de gêner le mouvement BLM et il ne serait pas surprenant que les dirigeants des BLM tournent leur vindicte vigoureuse (pour ne pas écrire « leur haine ») contre les églises chrétiennes.

Il y a aussi les asiatiques. Moins nombreux, forts discrets, mais qui s’appliquent globalement à mettre en œuvre non pas tant le « Rêve américaine » que l’adage selon lequel « le travail paie ». Eux aussi sont une épine dans le pied des Black Lives Matters, épine heureusement discrète, ce qui permet d’en faire fi. Mais il n’échappera pas aux observateurs que ces populations, à l’origine forts pauvres quand elles arrivent aux Etats-Unis, s’en sortent très honorablement sans accuser les blancs d’être des privilégiés. 

Enfin, reste une large frange de la population américaine, celle que les médias dépeignent souvent comme des beaufs, électeurs typiques de Donald Trump – ce qui est la preuve que ce sont des abrutis finis, n’est -ce pas ? – l’américain blanc de cinquante ans, ouvrier, technicien, fermier, petit patron ou commerçant. Celui-là s’inquiète beaucoup des images des émeutes dans les banlieues de sa ville – quand il ne les subit pas par la destruction de sa voiture ou de son commerce. Celui-là n’adhère pas aux Black Lives Matters mais en plus est passé par l’armurerie, afin d’étoffer encore plus son stock d’armes pour pouvoir s’auto-défendre. Dès fois que le chaos virerait à « American nightmare » pendant plusieurs nuits ou semaines.

Toutes ces populations ne peuvent pas adhérer aux revendications des BLM. Malheureusement pour elles, se ne sont pas elles qui font le plus de bruit.

 

Le « privilège blanc »

Avant de conclure, il convient de revenir sur un aspect marquant du phénomène des Black Lives Matters : il est principalement soutenu par des jeunes blancs de gauche.

Il ne convient pas ici de s’étonner que des personnes blanches veulent aider des populations en difficultés, car c’est en soit banale, mais bien de s’étonner que ce sont des blancs qui affirment à très haute voix que les blancs sont intrinsèquement racistes. Et battent leur coulpe en public. 

L’explication tient en deux expressions : « white privilège » et « patriarcat »

Ces blancs, souvent jeunes et éduqués, sont réellement convaincus qu’ils bénéficient d’un privilège du simple fait d’être blanc et qu’être blanc c’est être naturellement raciste. Ce puissant ressort vient d’un livre abondamment adopté dans les universités américaines, le livre « White fragility » de Robin DiAngelo. Sans rentrer dans les détails, cette universitaire conclut dans son livre que les blancs bénéficient dans la société américaine d’un privilège du simple fait d’être blancs. Lesquels n’en sont pas conscients. Et tout blanc qui refuse d’admettre qu’il bénéficie d’un privilège d’être blanc prouve qu’il bénéficie de ce privilège et n’est pas conscient de son racisme atavique. 

Ces jeunes blancs, éduqués, qui manifestent, sont conscients, eux (forcément) de ce privilège. Il est donc de leur devoir de lutter activement contre ce privilège raciste.

L’autre aspect de cette lutte c’est la lutte contre le « patriarcat ». Lutter contre la société de ses parents, c’est, à gauche, un marqueur d’émancipation. Travailler à améliorer la société, supprimer ses défauts, cela revient forcément à remettre au cause la société telle qu’elle fonctionnait avant, la société de ses parents. 

Ce ressort n’est pas nouveau et les exemples historiques abondent où une génération veut s’affranchir des règles mal faites de la société dans laquelle ils évoluent. Leur soif d’idéal – notion très noble en soi –  passe par une régénération de la société afin de l’améliorer. 

C’est banale, mais ça marche. En général, lorsque l’on s’endette pour se payer un toit, une voiture, fonder une famille, payer des études et une mutuelle à ses enfants et préparer sa retraite, en général, on remet les pieds sur terre et l’on s’aperçoit que la société parfaite n’existe pas, et que mettre à bas ce qui existe n’est peut-être pas la meilleurs solution pour avancer. 

Cela s’appelle aussi passer à l’âge adulte. L’immense majorité des jeunes blancs qui manifestent et saccagent aujourd’hui font preuve d’une totale immaturité. Demander la suppression de la police, par exemple, en est la plus parfaite illustration. En plus d’être totalement caricatural.

 

Quel avenir pour le mouvement

Le mouvement BLM a de l’avenir. En effet, il n’est qu’à voir avec quel empressement la fraction plutôt « Démocrate » de la population américaine a fait sienne les revendications des BLM pour comprendre que dès que les Démocrates prendront la Maison Blanche – ce qui arrivera tôt ou tard, ce n’est qu’une question de temps et d’alternance –  ces revendications seront mises en application. 

Ces revendications BLM, qui ne sont pourtant pas majoritaires parmi les populations noires américaines, tendent à remplacer comme cheval de bataille les revendications LBGT qui ont pu aboutir sous les mandats de Bill Clinton puis Barack Obama. Le futur élu Démocrate à la présidence américaine fera forcément siennes ces revendications.

Être adoptées par un des deux partis américains ne garantit pas pour autant que ces revendications prennent réellement racine dans la population américaine. Elles risquent aussi de subir l’érosion que subit tout phénomène de mode, usées par le double effet de la réalité quotidienne et l’arrivée de nouvelles tendances que l’on ne peut prévoir aujourd’hui.