En quelques années, nos infrastructures routières, longtemps prises en exemple dans le monde entier, se sont considérablement dégradées. Faute de moyens investis dans l’entretien des routes, la qualité du réseau national s’est tellement détériorée que certaines d’entre elles représentent un véritable danger pour les usagers.

 

Les routes françaises en déroute

 

Alors que la France se distinguait pour l’excellente qualité de ses infrastructures routières en 2012, prenant la première place du classement mondial établi par le World Economic Forum, elle n’a cessé de rétrograder. Trois ans plus tard, elle ne pointait plus qu’à la septième place de ce classement et, en 2019, notre pays perdait encore onze places pour pointer au 18ème rang mondial. La faute à qui ? Sans aucun doute à l’État et aux collectivités territoriales qui n’ont pas investi les fonds nécessaires au bon entretien du réseau routier dont ils ont la charge alors que la sonnette d’alarme avait déjà été tirée depuis plusieurs années.

 

Ainsi, en 2017, un rapport d’information du Sénat consacré aux infrastructures routières et autoroutières signalait « un réseau en danger ». Ce rapport pointait déjà du doigt une tendance à la dégradation du réseau routier national non concédé et insistait sur la nécessité d’y mettre un terme pour éviter la détérioration de ce patrimoine ainsi que l’augmentation de ses coûts d’entretien. Le hic, c’est que depuis, rien n’a été véritablement entrepris pour y remédier. Certes, en 2018, Élisabeth Borne, alors ministre des Transports, avait bien annoncé un plan de sauvegarde des routes pour l’année suivante, mais ce projet semble avoir été totalement enterré. Cela est très dommageable car, outre le fait que l’abandon d’un tel plan ne fait qu’aggraver la situation, un réseau routier en mauvais état a des conséquences non négligeables sur la sécurité des usagers.

 

Un enjeu de sécurité routière

 

Il arrive malheureusement qu’à l’occasion d’un tragique accident, l’actualité mette un coup de projecteur sur le mauvais état des infrastructures françaises. Ce fut le cas, par exemple, en novembre 2019, avec l’effondrement du pont de Mirepoix-sur-Tarn, en Haute-Garonne, qui avait causé la mort d’un chauffeur de poids lourd et d’une jeune fille de quinze ans. Si dans ce cas précis, c’est surtout le poids du camion, plus de deux fois supérieur au poids maximal autorisé sur ce pont, qui a été mis en cause, cet accident a tout de même ravivé les inquiétudes sur l’état des ponts Français. Président de la mission d’information sénatoriale sur la sécurité des ponts, l’élu centriste Hervé Maurey a notamment déclaré : « Lorsqu’on a titré notre rapport « Sécurité des ponts, éviter un drame » on était dans le vrai. Et malheureusement ce qui s’est passé illustre bien ce qu’on disait dans ce rapport, à savoir qu’il y avait une vraie dangerosité sur l’état de nos ponts« . Et le sénateur de s’interroger fort justement : « Si un pont qui n’était pas recensé comme dangereux s’est effondré, qu’en est-il des ponts qui, eux ; sont clairement identifiés comme présentant un risque ? ». Rappelons que, selon le rapport de cette mission sénatoriale, environ 10% des ponts en France seraient en mauvais état.

 

Ce constat accablant sur l’état des ponts français vaut également pour les routes de notre pays. Et la situation n’a rien de nouveau puisque, déjà, en 2015, des élus locaux se plaignaient de l’inaction de l’État face au manque de moyens des communes et départements pour entretenir correctement leurs routes. Depuis, les choses n’ont fait qu’empirer puisqu’en 2018, un audit externe commandé par le gouvernement rapportait que, si l’État n’entreprenait pas des travaux de grande envergure pour les entretenir, 60% des chaussées seraient très dégradées d’ici 2037. Le mauvais état des routes n’est pas sans conséquence sur la sécurité des usagers, comme le signalait le syndicat des équipements de la route il y a quelques années. « On se préoccupe du comportement de l’automobiliste, de la voiture mais on délaisse l’état du réseau routier », expliquait alors Julien Vick, délégué général de ce syndicat. Et ce ne sont pas les motards qui contrediront ses propos, eux qui sont souvent les premiers à pâtir de cette situation. Une centaine d’entre eux a d’ailleurs manifesté le 20 décembre dernier à Tours, en Indre-et-Loire, pour dénoncer les infrastructures dangereuses qui, selon eux, peuvent « représenter un risque important voire mortel pour les conducteurs et passagers de deux-roues motorisés ».

 

Mais les motards ne sont pas les seules victimes de cet état déplorable des routes qui représente également un danger pour les automobilistes : nids-de-poule, marquage au sol effacé, chaussées déformées, fissures, signalisation dégradée, revêtement usé… au total, comme le rappelait le projet de loi relatif à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport, 47% des accidents de la route comportent des facteurs se rapportant à l’infrastructure. Il apparaît donc urgent de remédier à cela en investissant massivement dans la rénovation de nos routes. Mais comme souvent, l’argent est le nerf de la guerre et l’État ne semble pas avoir les moyens d’entreprendre de tels travaux. Un problème de financement que met en évidence Sophie Neyraud, directrice « sinistres » chez L’olivier – assurance auto. « Sur les routes de campagne, les chaussées sont étroites et moins bien entretenues que par le passé. Ce n’est pas un hasard si les accidents les plus graves ont lieu sur les petites routes, peu en ville et encore moins sur autoroute », constate-t-elle.

 

Avec la crise sanitaire, il n’est pas certain que le financement de l’entretien du réseau routier français puisse faire partie des priorités de Jean-Baptiste Djebbari, le ministre délégué aux Transports. La situation des routes est bien connue de l’actuel exécutif, et le financement de l’entretien du réseau pourrait s’acheminer progressivement vers un système de concession comme pour les autoroutes à la différence notable que les routes nationales et départementales resteraient entièrement gratuites. Un compromis que les pouvoirs publics ont peut-être déjà entrepris avec la concession de petites parcelles de routes proches des autoroutes.