L’été 2024 restera inscrit dans la mémoire française comme celui d’un étrange paradoxe.

Ils sont vécu simultanément la grâce éthérée des Jeux Olympiques de Paris, et une pause bien courte dans leur dispute politique. De façon exactement concomitante.

On aurait presque apprécié pour les athlètes paralympiques que le Président de la République attende encore 72h, jusqu’à dimanche 8 septembre après la cérémonie de clôture pour annoncer son choix d’un nouveau Premier Ministre.

Le mois de juin avait été terrible : le soir même des élections européennes, Emmanuel Macron, par surprise, annonçait la dissolution de l’Assemblée Nationale et la convocation de nouvelles élections législatives trois semaines plus tard.

Au terme de ces quelques 21 jours, le chaos était total : la Droite avait gagné le 1er tour, la gauche le second, personne n’avait de majorité et aucune combinaison de partis n’étaient en mesure d’atteindre la majorité de 50% des parlementaires.

Blocage complet.

Le bloc de Gauche, légitimement heureux d’avoir créé la surprise par son alliance imprévue et de virer en tête au sortir de ce virage électoral poussait ses feux. Les députés LFI, fidèles à leur mentor Jean-Luc Mélenchon, et sans doute aussi à une tradition d’agit-prop’ bien ancrée, « bordelisaient » tous les débats.

Impossible d’avoir une discussion d’adulte : soit tu es d’accord avec eux, soit tu es un facho. Je simplifie à peine.

De son côté, Emmanuel Macron, tel Raminagrobis, se drape de dédain et dans sa tourelle de l’Elysées, ignore tous les appels du Nouveau Front Populaire à nommer séance tenante leur championne, Madame Lucie Castet. Rien n’y fit, aux outrances des députés LFI, Emmanuel Macron ne daignait pas répondre, s’occupant exclusivement des JO.

Franc succès pour les JO de Paris 2024

C’est là que commencèrent les JO de PARIS 2024. La fête ne fut même pas gâchée par les trombes d’eaux qui se déversèrent dans la Seine pendant la cérémonie d’ouverture ni le mauvais goût du metteur en scène pour lequel la France est née en 1789 ; les 1500 ans de monarchie qui l’ont un petit peu édifiée quand même (bof, trois fois rien, mais quand même un peu) se résument à un « Ah, ça ira, ça ira les aristocrates à la Lanterne et l’image de Marie-Antoinette décapitée.

Quant au blasphème anti-chrétien, il est tout à fait dans l’air du temps, les chrétiens étant tous d’affreux réactionnaires, donc facho, donc interdits de citer. Fermez le ban.

Ces JO de PARIS 2024 furent un succès. Cher peut-être, mais un succès. Pas de couacs, pas d’attentats, même pas de grèves (il faut dire que l’Etat providence a arrosé de chèques des serial-grévistes que sont les cheminots, les contrôleurs aériens et les agents de la RATP).

Les Français, connus pour être ronchons, se prirent aux jeux – avec jeu de mot ! Le spectacle était là, le public également, les « arènes » sportives en pleine ville furent un succès : triathlon dans la Seine, épreuves sportives au Trocadéro, Place de la Concorde ou au Château de Versailles. Carton plein pour les organisateurs et les forces de sécurité omniprésentes (et dont les vacances familiales sont passées à la trappe, on remercie leurs conjoints et leurs enfants.)

Le prix des places, le plus souvent à partir de 15€, a permis à de nombreuses familles de profiter des spectacles.

Pris dans l’ambiance festive, les Français ont repris une part de gâteau : ils ont répondu massivement présents aux JO paralympiques, découvrant certains handisports et des athlètes parfois très impressionnants.

Nomination du Premier Ministre : le calme des consultations avant la tempête

Peu à peu les hurlements des adolescents députés LFI se sont calmés, sans doutes occupés eux aussi à profiter du soleil et de quelques jours de congés. Quinze jours sans invectives ni « bordelisation » politique, ça fait du bien. A peine s’est-on aperçu qu’Emmanuel Macron consultait à tout va pour trouver un Premier Ministre.

L’équation n’est pas simple : il ne s’agit pas de nommer un gouvernement majoritaire, mais bien un gouvernement qui tienne plus de 48h00 sans être renversé.

Le bloc central, Renaissance et LR compatibles veut bien gouverner avec la Gauche, mais pas LFI. Mais le PS refuse de se séparer de LFI (normal, une promesse est une promesse). Donc cette combinaison ne fonctionne pas.

Le Nouveau Front Populaire voudrait bien gouverner, mais il leur faut l’appoint des Centristes, lesquelles ne veulent pas de LFI : échec de cette option.

Le RN veut bien gouverner, avec les LR RN-compatibles, mais Renaissance (et les LR Renaissance compatibles) refusent : là aussi, échec de cette option.

Ne reste qu’à trouver un Premier Ministre qui n’effraie pas deux des trois blocs en présence.

Xavier Bertrand (Centre droit) est pressenti : le RN annonce qu’il votera la défiance. Echec.

Bernard Cazeneuve (Centre gauche) également : le NFP annonce qu’il votera la défiance. Fin de l’hypothèse Cazeneuve.

Lucie Castet, la championne désignée par NPF : le bloc centrale oppose une fin de non-recevoir. Echec là aussi, sous les hurlements de singe des députés LFI (oui, ils sont fatiguant …)

On peut imaginer sans peine qu’Emmanuel Macron a dû réfléchir à d’autres options, moins politiques : Christine Lagarde, Tony Estanguet, tel ou tel ancien grand patron du secteur public, tel ou tel ancien sportif, tel ou tel haut fonctionnaire préfectoral ou de la Cour des Comptes.

And the winner is… Michel Barnier !

In fine, chez un homme politique, de droite, Michel Barnier qui s’y colle. Il a plus le profil d’un haut fonctionnaire européen que d’un homme politique ; assez méconnu du Grand public, en particulier des moins de quarante ans, il traine dans les couloirs de Bruxelles depuis presque trente ans.

Le RN a annoncé qu’à priori ils le laisseraient gouverner, car ils se souviennent des positions assez détonantes de Michel Barnier, candidat à la Primaire le LR en 2022, face à Madame Pécresse. Haro sur l’Aide Médicale d’Etat, haro sur la politique migratoire passoire et laxiste. Deux points clefs des critiques du RN vis-à-vis des gouvernements précédents. Dont acte. Cela augure quand même d’une précarité gouvernementale certaine. Le RN a le sens du bien commun, certes, mais ils n’ont pas non plus intérêt à ce que le tandem Macron-Barnier s’en sorte trop bien pendant les trois prochaines années. La politique politicienne reprendra surement ses droits tôt ou tard.

LFI : délires et châtiments

L’extrême-gauche crie à la trahison électorale. Un Premier Ministre de Droite alors que le bloc de gauche du Nouveau Front Populaire a gagné, quelle forfaiture !

Soyons honnêtes, ils auraient pu avoir un Premier Ministre de gauche, mais il fallait qu’il soit Centriste compatible pour être acceptable par le bloc centriste du Parlement. Or le NFP a refusé Cazeneuve qui l’était et a tenté d’imposer Castet qui ne l’était pas. Ils ont tenté le coup de force et l’intransigeance, ils sont perdu.

En même temps, ils adorent être dans l’opposition non constructive, ça permet de promettre des trucs intenables et de ne pas avoir à mettre en œuvre la politique d’austérité qui vient obligatoirement.

Et puis, les combines politiques, ils sont les premiers à en jouer. Le RN est arrivé largement en tête au premier tour des élections. Ce n’est que par une combinaison « Centre + Gauche » de désistements réciproques qu’ils ont gagné autant de députés. Alors qu’une combinaison leur soit maintenant défavorables n’est pas un drame. Juste une pilule amère à digérer.

Plan de route gouvernemental : la ligne de crête

Drôle de mission que la sienne : former et conduire un gouvernement sans majorité au Parlement, donc relégué principalement à de la gestion technique, et qui a une mission gravissime à conduire, lancer de façon convaincante et rapide un assainissement des finances publiques.

Soyons honnête, l’homme semble taillé pour la mission. En tout cas, au premier jour de sa prise de fonction, peut on lui accorder confiance à priori.

Tout le reste (la grosse manif unitaire de la gauche-pas-content-pas-content du samedi 7 septembre) n’est que du théâtre. La mer s’est retiré, on s’aperçoit que la France se baigne à poil. Les caisses sont vides, la France a été mal gérée pendant quarante ans, et aujourd’hui on nous présente la facture. Elle pique.

Bon courage, Monsieur Barnier.