En ce début d’année 2023, faisons un rapide tour d’horizon des informations disponibles en open-source concernant la lutte contre la Dégénérescence maculaire liée à l’âge, plus connues sous son acronyme DMLA, et les acteurs principaux de la recherche en France.

Selon le site apmnews.com, la DMLA touche en Europe 3,3% de la population de plus de 65 ans. C’est la première cause de cécité dans les pays développés. Au niveau mondial, c’est la troisième, après les erreurs de réfraction – myopie, hypermétropie, astigmatisme et presbytie – et la cataracte).

Ce qui donne, pour l’Union Européenne, le chiffre conséquent de près de 2,5 millions de patients atteints de DMLA.

On distingue deux formes de Dégénérescence maculaire liée à l’âge : la DMLA sèche et la DMLA humide. Actuellement, seule la DMLA humide se traite. Aussi la recherche est elle particulièrement active sur l’autre forme de DMLA, la DMLA sèche.

Un des premiers moyens de combattre une maladie ou une dégénérescence, est d‘en supprimer les causes, dans la mesure du possible.

Pour la DMLA, les causes sont multifactorielles : l’âge, bien sûr – d’où son nom – mais aussi le tabagisme et l’obésité (encore !), les prédispositions génétiques, l’alimentation et enfin l’exposition (excessive) à la lumière, et particulièrement la lumière bleue des écrans.

Cette multiplicité des causes explique aussi la variété des intervenants dans la recherche contre la DLMA (par exemple EssilorLuxottica).

 

DMLA : les Etats-Unis à la pointe de la recherche

 

Pour autant, l’immense majorité des recherches sur la DMLA se concentre aux Etats-Unis. Sans doute faut-il juste lire un calcul économique des laboratoires américains : leur « marché intérieur est riche d’une forte population sujette à la DMLA et « bankable », c’est-à-dire ayant un pouvoir d’achat leur permettant de payer les traitements et futurs traitements de cette maladie.

La France, néanmoins, n’est pas absente de cette recherche sur les différentes formes de cécités et de DMLA (sèche / humide). Un écosystème entier travaille à faire avancer l’état de la science dans le domaine de la DMLA, loin devant les autres pays européens.

 

DMLA et recherche en France

 

En France, la recherche sur la DMLA, est principalement portée par l’Institut de la Vision, en étroite collaboration avec les médecins (et les patients) de l’hôpital des Quinze-Vingt à Paris.*

L’Institut de la vision est un établissement public auquel six entreprises privées participent (Iris Pharma, Horus Pharma, Fovea pharmaceuticals, Essilor, Théa et Visiotact).

Une partie du financement est fournie par la Fondation Voir & Entendre, en lien avec ses trois organismes de tutelle que sont Sorbonne Université, l’Inserm et le CNRS.

Depuis trois ans, l’Institut de la Vision et l’Hôpital des Quinze-Vingts ont donné naissance à un Institut Hospitalo-Universitaire, l’IHU FOReSIGHT. Cet IHU a pour mission de susciter la recherche et l’innovation thérapeutique et d’accélérer le transfert de ces innovations dans le domaine clinique.

Les ambitions de l’IHU ForeSight sont ainsi présentées en sept bulletpoints dans leurs propres documents :

  1. Comprendre comment la rétine et notre cerveau génèrent une représentation du monde si précise ;
  2. Étudier la plasticité du cerveau ;
  3. Modéliser les maladies, en particulier en utilisant des cellules souches produites à partir de prélèvement de peau des patients ;
  4. Produire une mini-rétine avec des cellules souches pour générer des modèles pathologiques, notamment héréditaires ;
  5. Comprendre les mécanismes qui conduisent à la perte des cellules rétiniennes dans les maladies de la vision ;
  6. Développer des thérapies innovantes (prévenir / ralentir l’évolution des maladies vers la cécité)
  7. Produire de nouveaux outils diagnostiques pour suivre précisément l’évolution des pathologies et pouvoir ainsi valider plus rapidement les approches thérapeutiques adaptées
  8. Développer un logiciel d’intelligence artificielle capable de détecter automatiquement une pathologie de la vision en analysant des images de fond d’œil

L’IHU FOReSIGHT évoque ses recherches sur des cellules souches. En France, c’est le réseau national de médecine régénératrice et de thérapie cellulaire ECELLFrance qui porte la recherche sur les cellules souches, qu’elles soient pluripotentes (pouvant donner tous types de cellules) ou multipotentes (pouvant donner un nombre limité de types de cellules). ECELLFrance est coordonné par l’Université de Montpellier.

 

 

DLMA : des biotech discrètes mais efficaces

 

Parmi les acteurs privés qui contribuent à la recherche française sur la cécité en général, et la DMLA en particulier, on trouve les acteurs suivants.

IRIS PHARMA est une CRO (Contract Research Organisation) spécialisée dans la recherche pré-clinique. Acteur reconnu mondialement, Iris Pharma est fort d’une cinquantaine de chercheurs et collaborateurs basés à Nice et dépasse les 8 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

HORUS PHARMA est un laboratoire d’ophtalmologie français, basé à Nice également. L’entreprise, plus récente qu’Iris Pharma, fête cette année ses vingt ans. Elle s’impose progressivement comme un acteur majeur des traitements et soins de l’œil, des produits cosmétiques pour la paupière à la chirurgie rétinienne.  Peu connue du grand public, cette pépite française dépasse aujourd’hui la centaine de salariés et s’approche rapidement du cap des cent millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

FOVEA est une « biotech » créée en 2005 qui a levé 20 millions d’euros auprès de fonds d’investissements : Sofinnova Partners (France), Abingworth Management (Royaume-Uni), The Wellcome Trust (Royaume-Uni), GIMV (Belgique) et Crédit Agricole Private Equity (France).

Quatre ans après, Sanofi a racheté la startup pour 370 millions d’euros et a investi dans le même temps plus d’un milliard de dollars dans l’ophtalmologie pour en faire un de ses axes de croissance.

THEA est à l’inverse une veille dame. Sur leur site internet, les dirigeants de THEA font remonter l’histoire de l’entreprise de cette entreprise familiale (et fière de l’être) à 1870 et leur aïeul médecin militaire qui commence à se passionner pour une maladie cécitale endémique. Cent cinquante ans après, THEA est une très belle biotech forte de 1500 collaborateurs dans près de trente filiales réparties dans le monde entier et qui approche les 700 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les Laboratoires THEA sont très actifs sur la DMLA et sont à l’origine récente d’une échelle d’évaluation du degré de risque d’un patient de développer la DMLA.

PHENOCELL est une autre biotech, sans doute la plus jeune de toutes celles citées dans cet article. Elle aussi est basée à proximité de Nice, à Grasse. Phenocell produit des cellules souches pluripotentes iPSC et établi des tests in vitro sur des cellules dérivées d’iPSC pour les domaines de la dermatologie et de l’ophtalmologie. Cette startup a développé une gamme de cellules rétiniennes qui permettent précisément de mener des essais de traitement de la DMLA sèche. Les cellules iPSC sont une découverte encore récente du Professeur japonais Shinya Yamanaka, (en 2007, Prix Nobel en 2012) mais qui révolutionne les tests cellulaires puisqu’elles peuvent être reproduites en quantité illimitées et à très grande échelle. Cela permet de mener des tests sans les biais habituels des autres cellules (limitation en volume et en qualité).

Notons également en passant l’existence d’une autre pépite française de l’ophtalmologie, Nicox, également basée à Nice, mais dont les principaux produits ne sont pas directement destinés à la lutte contre la DMLA.

Enfin, citons EssilorLuxottica, le géant franco-italien des verres de lunette, qui s’intéresse naturellement aux troubles et maladies des yeux. Son expertise lui a permis de développer au sein de son Special Lenses Laboratory (SL Lab) des produits (des verres) qui permettent de retarder le vieillissement des yeux, et donc l’apparition de la DMLA.

 

 

DLMA : des perspectives prometteuses

 

Selon Florian Sennlaub, Directeur de recherche à l’Institut de la Vision, la lutte contre la DMLA s’oriente selon plusieurs axes de travail simultanés :

  1. La prévention,
  2. La correction (thérapie cellulaire),
  3. L’Optogénie (la modification cellulaire),
  4. La rétine artificielle pour remplacer la rétine naturelle,
  5. La découverte de nouvelles molécules neuroprotectrices.

Ces différentes pistes devraient conduire à des avancées majeures dans un horizon d’une dizaine d’année.

(* : Ce nom étrange des « Quinze-Vingt » vient de l’habitude, au XIIIe siècle de Saint-Louis de compter en base vingt. Il  y avait quinze vingtaines de lits, soit trois cents.)