LINKEDIN est apparu en 2003 et s’est répandu progressivement auprès des professionnels des pays développés. Au point de devenir une mine d’or que Google a racheté 26 milliards d’euros en 2015.
Ce qui était d’abord un réseau un peu confidentiel est devenu un outil quasiment indispensable pour qui cherche un emploi – dans le secteur privé au moins. Le profil Linkedin remplace désormais souvent le traditionnel Curriculum Vitae.
Initialement lieu de recherche d’emploi du secteur marchand, il s’est progressivement répandu à plein d’autres professions. Les secteurs non marchands, les fonctionnaires, les hommes politiques y ont fait progressivement leur apparition, les religieux, les associations en tout genre.
C’est devenu une telle base de données incontournable, que Linkedin s’est mis à vendre – un peu cher – certains usages large du réseau, ce qu’on ne peut pas faire avec un abonnement de base. Par exemple en achetant un abonnement « premium » ou l’outil professionnel « SalesNavigator » il est possible de voir bien plus d’informations, bien plus de profils, d’échanger bien plus avec des personnes de plus en plus éloignées de votre réseau personnel.
Cette force, c’est aussi sa faiblesse, et il se pourrait que nous assistions au Chant du cygne de LINKEDIN, à savoir son meilleur moment avant sa disparition progressive.
Je m’explique.
Ce réseau connait actuellement (2024) quatre dérives à mes yeux.
Abus de démarchage
Tout d’abord, il sert à se faire démarcher. Des entreprises proposent des outils professionnels qui permettent de récupérer les coordonnées des personnes présentent sur Linkedin et de solliciter (prospecter) automatiquement des profils Linkedin selon des critères de sélections (par exemple « Dirigeant / France, entreprise de 50 à 500 salariés).
Qui n’a pas reçu ces demandes de mises en relation qui, dès qu’elles sont validées, génèrent un email automatique pour vous proposer tel ou tel service ?
Je ne reprocherai pas aux commerciaux de chasser, mais à Linkedin de laisser faire cela. Mais comme Linkedin vend les comptes SalesNavigator et Premium, ils y gagnent ; au moins pour le moment.
Logorrhée textuelle
Deuxième défaut : Linkedin pousse à la création de contenu exclusivement fait pour Linkedin et qui n’en sort pas. Un article qui renvoie sur un site web extérieur à Linkedin est moins proposé par leur algorithme qu’un article sans lien extérieurs. Cela incite à la multiplication d’articles dont la seule fin est de créer de « l’engagement », mot valise pour dire des vues, donc potentiellement, de la notoriété, donc de l’intérêt commercial éventuel ,etc.
Nombre d’articles un peu « bateau » se terminent par « likez ma communication et abonnez-vous à mes posts ». Exactement comme une chaine Youtube ou Tiktok. Ils n’ont le plus souvent aucun intérêt professionnel.
Troisième défaut : les arnaques à pigeons
C’est fou le nombre de personnes à succès qui veulent nous partager les secrets de leur réussite à tout prix. Et gratuitement en plus. Il suffit de venir assister à leur webinaire, de laisser son email et son nom, etc. Rappelez-vous : « Quand c’est gratuit, c’est vous le produit » Donc soit le service est gratuit et il s’agit simplement de récupérer vos coordonnées (pour se constituer une base de données qui vaut quelque chose), soit c’est fait pour vous attirer et vous vendre quelque chose à la fin.
Je vois ainsi passer très régulièrement (un nouveau post toutes les semaines par un serial-entrepreneur qui veut nous aider tous à devenir richissime comme lui – avec des chiffres d’affaires à 7 chiffres, excusez du peu !). Quand on creuse un peu, on s’aperçoit qu’il a créé une entreprise (qui va mal), une SCI (pour ses bureaux) et une holding pour abriter le tout. Ça fait déjà trois créations d’entreprises, il est donc serial-entrepreneur à succès.
Et Linkedin laisse faire, apparemment.
Entre ces généreux serial-entrepreneurs et les coachs de coachs de coachs qui veulent vous coacher, la qualité des échanges et des posts sur Linkedin se dégrade d’une année sur l’autre.
Quatrième défaut : un réseau social de moins en moins professionnel
Linkedin devient un réseau social non professionnel. Je suis très gêné, par exemple, par les posts sur la guerre en Ukraine, ou à Gaza. Qu’une ONG qui y intervient en parle, admettons, mais que le DSI d’un groupe industriel français prenne position haut et fort pour ou contre dans un conflit, ça devient très gênant. Idem sur les sujets politiques ou religieux.
Il ne s’agit surtout pas de ne plus se souhaiter un joyeux Noël, un Ramadan Karem ou un Hanoukka, mais ne rester strictement professionnel. Votre collègue, votre client, votre fournisseur, votre contrôleur n’a pas à connaître ni à exprimer ses choix politiques religieux ou partisans.
Là, dans le cas de cette dérive, il me semble que c’est aux entreprises et aux entrepreneurs et auto-entrepreneurs de rester professionnels. Les opinions personnels et non professionnels doivent rester en dehors du jeu professionnel. Qu’un juif pro-Israël puisse être le prestataire d’un entrepreneur musulman pro-palestinien sans qu’ils découvrent sur Linkedin des propos enflammés qui rient fort probablement de nuire à leur relation professionnelle.
On apprend aux enfants à ne pas dire n’importe quoi sur Instagram, il est temps que les professionnels apprennent à ne pas dire n’importe quoi sur Linkedin.
Face à toutes ces dérives, on n’a pas l’impression que LinkedIn cherche à faire le ménage. Non, il semblerait plutôt qu’ils cherchent à élargir au maximum leur réseau. Quand le dernier agriculteur de la Pampa aura son profil Linkedin, ils auront atteint leur objectif – semble-t-il, je peux me tromper.
Que font les professionnels qui constatent ces errements, ces dérives sur Linkedin ?
Ils votent avec leurs pieds, silencieusement, et ils partent. Pour le moment, ça ne se voit pas : les nouveaux arrivants sont surement bien plus nombreux que les partants. Et surtout, les alternatives à LinkedIn sont rares ou méconnus. Mais si demain une alternative à Linkedin perce, nul doute que la bascule d’un réseau professionnel à l’autre sera rapide : les professionnels iront vers le réseau le plus professionnel. Ce sera alors la fin de Linkedin (ou une nouvelle vie, mais plus celle d’un réseau social professionnel).